Bien que toute nouvelle, les éloges et les avantages de la Finance islamique ne sont plus à démontrer. Le monde des finances, à l’instar de nos amis occidentaux, a fini par y croire. Le célèbre édito d’André Comte-Sponville sur la morale et le capitalisme en dit beaucoup: « C’est plutôt le Coran qu’il faut relire, car si nos banquiers, avides de rentabilité sur fonds propres, avaient respecté un tant soit peu la charia, nous n’en serions pas là. »
L’ampleur et la gravité des crises systémiques, jadis causées par les insuffisances dans la régulation de la finance classique et la spéculation, ont mis en lumière les vertus de la finance islamique à la progression exponentielle.
Estimée à près de 2 mille milliards USD à travers le monde, la finance islamique gagne du terrain et connait une croissance rapide de l’ordre de 17% par an. Toutefois, sa présence en Afrique reste encore très timide. Les actifs attribués au continent sont estimés entre 1 et 2% selon les sources, Alors que le continent concentre la moitié des 1,6 milliards de musulmans que compte notre planète. L’Afrique qui compte aussi, dix des pays dont l’économie connait la plus forte croissance à travers le monde, constitue un formidable gisement de consommateurs et attirent de plus en plus les investissements internationaux, tant ses potentialités économiques sont réelles.
C’est pourquoi, nous sommes convaincus que la finance islamique peut jouer le rôle de catalyseur dans la mobilisation des ressources financières en Afrique permettant ainsi la croissance économique et le développement durable. On estime, en effet que la région a besoin de près de 93 milliards USD pour financer les grands projets d’infrastructures et de production, tandis que les déficits budgétaires nécessitent aussi des ressources additionnelles. Dans le même temps, 2 milliards d’adultes restent exclus du système bancaire à l’échelle mondiale, et l’Afrique subsaharienne à elle seule, compte 17% des adultes non bancarisés de la planète.
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,
Tout comme la finance islamique, la République de Djibouti est un pays jeune, dynamique et en pleine croissance. Sa performance économique est élevée et s’est renforcée au cours des dernières années pour atteindre 6% en 2014 et la même performance est attendue au terme de cet exercice.
En effet, au cours des dix dernières années, le nombre de banques est passé de deux établissements à dix, dont trois sont de type islamique. Ces dernières font désormais partie intégrante du paysage économique et financier du pays : leur proximité culturelle et leur volonté d’accompagner les secteurs productifs leur ont permis de capter 16% des actifs du secteur bancaire en quelques années d’activité.
Afin d’asseoir et de consolider l’expansion et le rayonnement de notre place financière, nous accordons une attention particulière à la révision et la mise à jour des textes réglementaires, sous la responsabilité de la Banque Centrale qui veille sur les fondamentaux et les ratios tout en garantissant la libre convertibilité de notre monnaie et la liberté des mouvements des capitaux.
Tout récemment, nous avons complété ce dispositif par la création d’un Comité National de la Charia, composé d’experts en loi islamique et en finance, chargé de veiller sur la régularité et la conformité à la Charia des produits financiers islamiques en république de Djibouti.
Nous comptons, également, créer un centre de formation afin de renforcer les capacités techniques de nos praticiens de la finance islamique, et ce dont le rayonnement pourra s’étendre à la sous-région ; l’objectif étant d’œuvrer pour que Djibouti devienne véritablement le centre africain de la finance islamique.
D’ores et déjà, Djibouti est le point de jonction, où s’imbriquent les transports maritime, routier, ferroviaire et aérien, pour servir les échanges commerciaux de la Corne de l’Afrique avec la région du Moyen-Orient et de l’Asie. Pour renforcer cette position, nous avons décidé d’investir plus de 12 milliards USD, qui par vagues successives, feront de Djibouti une vaste plate-forme logistique englobant l’Est d’Afrique aux moyens de quatre nouveaux ports, deux nouvelles lignes ferroviaires, deux nouveaux aéroports, deux nouvelles interconnexions avec l’Ethiopie portant sur l’eau et l’électricité et un pipeline reliant Djibouti au Sud-Soudan. Autant de moyens et de grands chantiers dont la livraison est imminente.
Mesdames et Messieurs,
En marge de toutes ces réalisations et des efforts consentis, mon gouvernement et moi-même sommes conscients, préoccupés et déterminés à soutenir ceux de nos concitoyens qui restent en proie à la pauvreté et à l’exclusion sociale. Les principaux enjeux et défis sont alors d’apporter des réponses rapides et appropriées aux problématiques suivantes :
- Le financement des petites et moyennes entreprises, principales pourvoyeuses d’emplois et de créations de richesses,
- L’expertise technique et l’intermédiation nécessaire à la levée de fonds publics et/ou privés (développement des sukuks),
- L’inclusion financière des plus démunis notamment la microfinance et le financement des très petites entreprises, sans oublier la promotion de l’entrepreneuriat féminin.
Par ailleurs, en faveur des plus démunis, la gestion centralisée des fonds mobilisés au titre des Zakat, Sadaqah, Qard-al-Hassan et Waqf, couplée aux participations des institutions financières islamiques permettrait d’instaurer un environnement propice et efficace au financement des activités génératrices de revenus.
Mesdames et Messieurs, nous attendons beaucoup de ce forum et pour ma part je reste persuadé que vos réflexions et vos fructueux échanges apporteront les réponses idoines à l’ensemble de ces problématiques pour que la finance islamique puisse trouver la place qu’est la sienne et rayonner en Afrique.