Dès lors, et le diktat instauré autour de la façon dont le vote doit être organisé en Afrique aidant, les débats se cristallisent sur la nature du mécanisme devant régir l’élection. Plus que jamais le ton monte autour du type de CENI à adopter.
Concept passionnant à en croire aux clivages les plus irréductibles dans lesquels elle a tendance à confiner les différentes sensibilités politiques des nations africaines, la CENI défraie la chronique à travers la propension de certains voulant l’ériger en Institution numéro un dans la vie publique africaine. Mais elle est souvent décriée par d’autres aussi lui récusant le grief d’être à l’origine de conflits et de guerres civiles dans le Continent. Quoi qu’il en soit, la CENI exerce une acuité telle sur les opinions en Afrique qu’on ne peut plus faire l’économie d’une impasse sur son sujet.
Genèse et Historique sur la notion de CENI
La CENI apparait pour la 1ère fois en même temps que le concept de Société civile en 1991, à la foulée de la Conférence de la Baule dédiée à la démocratisation de l’Afrique francophone. On assiste dès lors à une refonte des relations entre la France et ses ex-colonies. L’aide au développement de la Mère-Patrie est désormais subordonnée à la capacité des pays d’Afrique francophones à assigner leurs élections à une instance complètement nouvelle et s’exerçant en marge de tout recoupement avec l’univers institutionnel et politique en vigueur dans ces pays. Partant, la CENI, concept nouveau d’Institution-Etat dans l’Etat, est ainsi lancée. Elle repose sur le principe d’évoluer en organe. Elle doit tout à son concepteur originaire qui, est par ailleurs sponsor de sa survie, instigateur de sa composition et éditeur de sa ligne de conduite.
Intronisée en grandes pompes, la CENI ne parvient pas à inscrire de franges majoritaires de l’opinion africaine sur son sillon. Elle tombe même rapidement en proie aux suspicions les plus drastiques comme celles qui, voient en elle le signe d’un procédé nouveau à travers lequel l’Occident s’arroge le droit, implicite, de contrôler et de coloniser le Continent.
Mais elle fait aussi le lit de tous les politiques qui ne parviennent pas à émerger sous l’effet de partisans minoritaires et, trouve là son public de légitimation. C’est ainsi que les communautés africaines, reparties en camp adverse et camp favorable à la CENI, ne peuvent éviter les conflits fratricides, à l’origine d’effroyables instabilités politiques qui ont le défaut de durer souvent de longues années.
Les Pays d’Afrique de l’ouest font partie du lot tristement célèbre de nations ayant expérimenté les affres de guerre civiles engagées au prolongement de conflits nés de la CENI.
La CENI de Djibouti : un choix qui a fait ses preuves
Si la République de Djibouti a échappé à ce sort tragique, c’est surtout dû au reflexe salvateur qu’elle eut, dès le début, de refuser d’avaliser le processus de toute puissance et d’annihilation totale des autres Institutions nationales qui était suspendu à la notion de CENI imposée de l’extérieur.
La CENI djiboutienne est parvenue à asseoir sa crédibilité et son succès à travers deux attributs fondamentaux : le caractère souverain de son statut et l’expression non conflictuelle de sa mission avec les autres Institutions nationales.
Une instance souveraine.
En matière de CENI, la République de Djibouti doit son salut au fait qu’elle n’ait pas mordu à la rhétorique, mise en place à la foulée de l’apparition de cette notion et, indexant l’affirmation d’une plus grande démocratie en Afrique à la condition préalable d’adopter une instance de régulation du vote frappée du sceau de Puissance étrangère.
La réflexion engagée autour de cette question et surtout, le déficit d’indépendance lié à une Institution financée par de Puissance étrangère choisissant par ailleurs la composition et la sensibilité de ses membres, ont très vite éconduit la République de Djibouti à ne pas s’éprendre du type de CENI lancée en 1991.
Une CENI aux missions non conflictuelles avec les autres Institutions nationales
Mais ce n’est pas seulement au prix d’une CENI souveraine que la République de Djibouti échappe au spectacle violent généré par cette Institution. C’est au prix aussi de sa prévention à ne pas accorder un statut de toute puissance et d’omnipotence à cet organe par rapport aux autres institutions nationales.
La CENI de Djibouti n’est pas, contrairement à ses consœurs tristement célèbres d’Afrique de l’Ouest, une Instance-Etat dans l’Etat. Elle n’est pas un Ministère de l’Intérieur bis qui, serait en compétition effrénée avec ce dernier. Elle est plutôt un organe investi de missions complémentaires à celles du Ministère de l’Intérieur.
Aussi, à Djibouti, la mission de préparation du vote échoit-elle au Ministère de l’Intérieur qui met sur pied, par le biais d’une mise à jour opérée deux fois dans la même année, les listes électorales et les bulletins de vote. Et la mission de supervision censée garantir la transparence du scrutin incombe-t-elle à la CENI.
C’est comme cela que les deux Institutions se complètent à Djibouti, sans qu’aucune n’ait vocation à discréditer la réputation de l’autre, dans un climat républicain fait d’ordre, de respect réciproque et de complémentarité de services concourant tous en faveur de la préservation et de la promotion des intérêts supérieures de la nation.
En choisissant, à l’instar de grandes puissances, un type de CENI aux missions complémentaires à celles du Ministère de l’Intérieur, la République de Djibouti a fait preuve de vigilance et de maturité politique.
Si sur le laps conséquent de plus de 25 années consécutives à l’apparition de la notion de CENI en Afrique, les consultations électorales se succèdent à Djibouti sans le moindre début de véritable confrontation qui soit de nature à distraire l’ordre et la stabilité, c’est que notre pays a apporté la preuve du succès de sa CENI.
Ce dont il est désormais question, ce n’est plus de l’efficacité de notre CENI : c’est plutôt l’aptitude de Djibouti à se poser en modèle de réussite pour le reste de l’Afrique en matière de CENI.